• Les poilus étaient-ils poilus ? (Cilou)

     

    Les poilus étaient-ils poilus ?

    Cilou

     

     

     

    « Poilus », c’est bête, mais je suis sûr que mes élèves vont retenir cette expression. Cela les fait vaguement sourire, c’est imagé, pas compliqué, tout le monde peut comprendre. Cela ajoute à la véracité des tranchées sales, insalubres, dangereuses. La puanteur devient plausible, la lassitude des soldats plus sincère, le désespoir est probable.

    Avec tout ce que je leur ai raconté, ils commencent à ressentir un peu de compassion en mémoire de nos soldats. Ils imaginent, ils brodent, ils font ce qu’ils peuvent pour visualiser la tranchée. Ils font des ahhhhh et des hannnn à la lecture des récits qui racontent la boue, le froid, la faim, les mourants.

     

    Quand on y ajoute les poux, la vermine, l’urine, les rats… c’est le dégout général et ils résument leur répulsion en s’indignant « Madame, c’est abusé là ! ».

     

    Alors, pour détendre l’atmosphère je leur montre cette planche peu académique, mais dans l’espoir que l’on partage quelques complicités humoristiques. Cela me permettra par la même occasion d’évoquer la censure si pratiquée en tant de guerre. C’est vrai que ça les fait sourire et surprise ils prennent conscience qu’ils ne sont pas les inventeurs de l’argot.

     

     

    « Madame ils ne sont pas si poilus vos poilus. Regardez sur son buffet et son bide, ses abattis, ses gambettes ou ses guibolles il n’y a pas tant de poil. Vous avez vu je connais l’argot de la guerre 14 18 moi ! »

     

    Oui en effet, il n’avait pas tort, ce poilu était dans le cas présent bel et bien imberbe.

     

    — Mais ce n’est qu’une image, tu vois bien, un dessin, on représente comme on le désire. 

     

    —  Alors pourquoi sur cette photographie ils sont nickels aussi les poilus ? Là vous ne pouvez pas dire le contraire, on voit bien que c’est une photographie alors c’est forcément pour du vrai. Et on voit bien qu’ils se sont rasés. 

     

     

     

      Apprends jeune effronté que même les photographies ne sont pas toute la vérité surtout en temps de guerre. On les censure, les triture, les tronque et on les met en scène. Là par exemple il se peut que le supérieur ait demandé à ses soldats d’aller se raser et de nettoyer la tranchée avant de poser pour une belle photo. Il ne fallait pas trop montrer que l’on souffrait et encore moins que l’on n’y croyait plus à cette guerre sinon comment les femmes auraient gardé le moral pour aller usiner à fabriquer les armes ? 

     

    Cependant, l’effronté était perspicace et ses remarques pertinentes m’amenaient à faire quelques recherches. Je savais bien que les photographies participaient à la propagande et qu’elles n’étaient jamais prises sur le vif. Mais plus je visionnais des clichés plus je découvrais que les « poilus » étaient effectivement rarement poilus tout du moins pas tels qu’on les imaginait soit disant dépourvus de toute hygiène, crasseux, hirsutes, débraillés au fond de leur tranchée. Je les trouvais au contraire relativement soignés, souvent le menton net et rasé, rarement agrémenté de barbe et la moustache impeccablement fière.

     

    La planche ci-dessous témoigne de cette mode masculine, celle de la moustache. Elles étaient de toutes les formes, de tous les pays et l’on nommait celle des poilus, la « moustache en guidon » car on la lustrait avec de la cire pour qu’elle adopte cette forme de guidon de vélo.

     

     

    Bref aucune négligence pileuse dans l’affaire alors pourquoi donc surnommer nos soldats les poilus ?

     

    L’affaire devenait poilante avant de devenir rasoir pour profiter de jeux de mots désopilants !

     

    C’est ainsi que je découvris que l’expression « poilu » était bien plus ancienne que notre Grande Guerre et qu’elle ne désignait point ce que l’on pouvait en dire. Le poil évoquait des qualités humaines telles que le courage, la bravoure, l’expérience de l’homme qui ne recule devant rien. En fait l’homme poilu est viril parce qu’il n’a pas de poil dans la main ! De là s’éclaircissait une flopée d’expressions comme :

     

    « Avoir un poil dans la main » : un fainéant qui n’est pas viril, car il a les poils dans la main au lieu de les avoir sur le torse

     

    « Reprendre du poil de la bête » : retrouver sa force virile grâce aux poils

     

    « Leur tomber sur le poil » : Attaquer par surprise quelqu’un grâce à son courage

     

    « Avoir du poil au menton » : devenir viril grâce à sa pilosité naissante

     

    Bref tout un système de valeurs fort adapté au courage militaire et aux temps de guerres. Le poilu a bel et bien existé, mais ce n’est point un soldat négligé non ! Ce n’est pas non plus un soldat barbu, la barbe ayant été interdite lors de la distribution des masques à gaz.

    C’est ce soldat fier, courageux, offensif qui bombe son torse poilu et lustre sa moustache en guidon de vélo. L’honneur est sauf !

     

     

     

     

     

     

     

     

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