• Les Femmes et le Secret - (Jean de la Fontaine)

     

    Les Femmes et le Secret
    Rien ne pèse tant qu’un secret
    Le porter loin est difficile aux Dames :
    Et je sais même sur ce fait
    Bon nombre d’hommes qui sont femmes.
    Pour éprouver la sienne un mari s’écria
    La nuit étant près d’elle : Ô dieux ! qu’est-ce cela ?
    Je n’en puis plus ; on me déchire ;
    Quoi j’accouche d’un œuf ! – D’un œuf ? – Oui, le voilà
    Frais et nouveau pondu. Gardez bien de le dire :
    On m’appellerait poule. Enfin n’en parlez pas.
    La femme neuve sur ce cas,
    Ainsi que sur mainte autre affaire,
    Crut la chose, et promit ses grands dieux de se taire.
    Mais ce serment s’évanouit
    Avec les ombres de la nuit.
    L’épouse indiscrète et peu fine,
    Sort du lit quand le jour fut à peine levé :
    Et de courir chez sa voisine.
    Ma commère, dit-elle, un cas est arrivé :
    N’en dites rien surtout, car vous me feriez battre.
    Mon mari vient de pondre un œuf gros comme quatre.
    Au nom de Dieu gardez-vous bien
    D’aller publier ce mystère.
    – Vous moquez-vous ? dit l’autre : Ah ! vous ne savez guère
    Quelle je suis. Allez, ne craignez rien.

     

     

     

     

     

     

     

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